Formateurs, tant internes que consultants externes, vous avez probablement été placés devant le même défi que moi : devoir très rapidement animer des formations à distance avec des objectifs initiaux qui n’avaient pas changés. Pas évident de prime abord.
Consultante formatrice en communication orale, en gestion des émotions et en formation de formateurs depuis près de 20 ans, j’avais jusque-là toujours animé en présentiel, modalité si favorable pour s’appuyer sur sa présence, sur la qualité relationnelle et sur l’énergie du groupe.
Lorsqu’il a fallu passer au distanciel, j’ai eu dans un premier la sensation que fondaient comme neige au soleil mes principaux leviers d’efficacité et qu’il me fallait réapprendre mon métier.
Je me suis donc attelée à la tâche d’explorer toutes les possibilités offertes par les outils digitaux pour reconstruire à distance de la proximité, du rythme, une ambiance chaleureuse, une dynamique de groupe porteuse. Et, à ma grande surprise, j’ai découvert que c’était possible.
Je vous partage ici les 6 ingrédients + un bonus de la « recette » que j’ai affinée au fil de mes animations.
1. Soigner particulièrement l’accueil et en 3 temps
Une entrée dans la réunion « sécure » pour y trouver ses marques
Redonner le lien de l’URL de la VISIO 10 minutes avant le démarrage afin d’éviter au participant de rechercher son mail d’invitation. L’invitation a préalablement inclus un « mode d’emploi » de l’appli ou de la plateforme de VISIO retenue.
Personnaliser la salle d’attente ou la configuration initiale de la salle virtuelle ( mot d’accueil dans chat, photo et nom de l’intervenant, slide avec les informations sur la formation + un « mode d’emploi » des manipulations à faire par les participants).
Un accueil technique
Prévoir un accueil technique 15 à 10 mn avant le démarrage, ceci afin de permettre à chacun de prendre en main de manière sereine les outils de communication à sa disposition. Les participants doivent être rassurés pour se sentir « chez eux » dans la salle virtuelle. Cette étape permet de passer la barrière du cerveau reptilien
Un accueil relationnel seulement lorsque les aspects techniques sont réglés
Puis lancer l’accueil relationnel pour construire le groupe. Le groupe doit prendre une réelle consistance et cette expérience doit l’emporter sur celle d’être seul devant un écran. (signes de reconnaissance, règles de communication partagées, brise-glace, expression de ses attentes). Cette étape permet de passer la barrière du cerveau limbique et ainsi d’être disponible pour une concentration de qualité.
2. Rester concentré et positif
Ce type d’animation requiert une intense et triple concentration, à la fois technique, sur les points saillants du contenu, et relationnelle.
L’animateur gagne à conserver son calme et un débit posé face aux problèmes techniques. Il ne laisse pas s’installer un silence anxiogène. Il commente tranquillement à voix haute toutes les manipulations qu’il fait afin de réduire l’impression de perte de temps, de pallier à l’absence de visibilité par les participants et également de rassurer sur sa maîtrise technique et sur son maintien de la qualité relationnelle.
L’animateur apprend aussi à accepter de voir son image en permanence.
3. Instaurer des rituels structurants
Lors d’un parcours comprenant plusieurs séquences en VISIO, il est intéressant d’instaurer quelques rituels qui présentent l’intérêt d’être à la fois structurants, sécurisants, soudant et de faire gagner du temps. Par exemple je démarre systématiquement mes VISIO par un bref point météo, je les termine par un sondage me permettant d’évaluer rapidement le degré d’intérêt, de compréhension, de mémorisation.
Les VISIO, d’une durée de 2H, sont systématiquement interrompues au bout d’une heure. On prend 2mn et demi exactement de pause avec micro et caméra en off et en mettant un timer. Ce bref temps pour soi est apprécié par des participants qui enchaînent parfois plusieurs VISIO dans la journée.
4. Exploiter les modalités de participation simultanées pour gagner du temps
Le distantiel requiert plus de sollicitation de la participation mais avec une réduction des temps disponibles consacrés à l’échange. D’où l’intérêt des « participations simultanées » comme les TAG (techniques d’animation gestuelle) en réponse aux questions, les sondages, le chat. Le chat peut remplacer un tour de parole avant et après un apport de l’animateur. Par exemple pour connaitre leur niveau de connaissance ou leurs représentations sur le sujet puis à la fin pour connaitre les 2 messages clés retenus par chacun ou l’évolution des visions sur un concept.
Les sous salles sont intéressantes également car elles permettent à plusieurs personnes de s’exprimer en même temps.
Et les tours de parole en plénière doivent être très rythmés par l’animateur.
5. Abolir la distance en instaurant proximité et présence
En privilégiant une communication de proximité
Plus encore qu’en présentiel il est important de nommer les participants à chaque fois que l’on s’adresse à eux, de reformuler leurs propos en les nommant à nouveau, de notifier à chaque fois leurs activités ( entrée en formation, message posté, main levée…)
En soignant son image caméra pour marquer sa présence
Les leviers de la présence ne sont pas les mêmes à distance et en présentiel.
L’animateur est vu en gros plan et non en plan large. Il s’agit de trouver le bon cadrage, d’éviter d’être trop en gros plan ou d’avoir trop d’espace au-dessus de sa tête, de conserver la même distance vis-à-vis de l’écran.
L’animateur doit apprendre à accepter pleinement son image caméra afin de ne pas être parasité par elle.
L’arrière-plan véhicule également l’image de professionnalisme, à soigner donc ou à flouter ou encore à masquer.
La gestuelle et les mimiques ne peuvent avoir l’ampleur du présentiel. Une certaine sobriété est requise car l’animateur est plus comme un acteur devant une caméra qu’un comédien sur scène. Les « codes » d’expression ne sont pas les mêmes.
Une vigilance doit être portée à son regard. Je suggère d’avoir un regard en mode « journal de 20H » pour faire passer ses messages forts et, le reste du temps, regarder plutôt les vignettes des interlocuteurs qui se trouvent en haut de l’écran afin de ne pas trop baisser le regard.
6. Se construire une BAO d’animation spécifique au distanciel
Au-delà des outils digitaux, il s’agit également de revoir ses outils d’animation afin de maintenir une qualité relationnelle, une réelle cohésion entre les apprenants, du rythme, de la vie, de la « mise en corps », une vraie «mise en scène ». Les outils qui fonctionnent en présentiel ne fonctionnent pas toujours à distance. Il s’agit donc de reconstituer quasi intégralement sa boite à outils, notamment les Ice breaker, et de la tester avec des personnes de confiance.
Et un bonus : exploiter les ouvertures d’une période en perte de repères habituels
Cette période offre une grande opportunité car beaucoup de barrières se réduisent, les repères et à priori s’ affaiblissent, la bienveillance et le droit à l’erreur se généralisent. C’est donc un moment très propice à l’évolution professionnelle et personnelle, à l’acceptation de nouveaux « rituels » d’organisation par une équipe, au déblocage de certaines tensions relationnelles, à la prise de recul.
En conclusion, j’ai pu noter que les apports étaient moins approfondis et surtout rentraient moins dans les subtilités que j’aime faire passer, que la relation était plus opérationnelle que chaleureuse, que le style, la personnalité, le « charisme » de l’intervenant comptait moins.
En revanche, l’intégration des messages clés m’a semblé plus efficace et probablement plus durable, la concentration plus grande si les conditions sont bien présentes, la responsabilisation et l’autonomie par rapport au formateur potentiellement supérieures.
Un enseignement à prendre en compte pour faire encore mieux lors de la reprise des formations en présentiel et pour imaginer des dispositifs et intégrer des pratiques de nature à optimiser les avantages de chacune des modalités de formation.
Cette expérience s’est aujourd’hui transformée en une nouvelle expertise. J’ai plaisir à la partager avec les participants que j’accompagne dans le cadre des formations de formateurs QUILOTOA que j’anime.