La nécessité du lien, aujourd’hui plus que jamais ?

Nov 25, 2020

Les 6 mois que nous venons de vivre nous ont sérieusement bousculés. Je ne sais pas si vous avez fait la même expérience que moi, mais je me suis trouvé dans le besoin, après le déconfinement, après avoir “émergé” de ce “cauchemar” éveillé”, de prendre plus de temps qu’avant pour créer les conditions d’un échange attentif avec les personnes que j’avais l’habitude de côtoyer, que ce soit dans mon réseau amical ou professionnel.

Il faut dire que la période de confinement nous a grandement éloignés les uns des autres et que nos principaux échanges (hormis dans notre foyer, lorsque nous avions la chance de ne pas être seuls) ont pris la forme de “communications à un écran”.

Sur ce point, les avis sont unanimes, le temps de “visio” permet certes de travailler, de se former, de communiquer, mais ces périodes passées devant les écrans, surtout si elles s’organisent dans un mode “descendant” (peu d’échanges) et durent au-delà de 2h, sont plus fatigantes que des réunions présentielles. Et surtout, nous avons tous fait l’expérience qu’il “nous manquait quelque chose” lors de ces réunions en ligne.

La necessité du lien, aujourd’hui plus que jamais ?

1. De quel lien avons-nous besoin ? À quel besoin répond-il ?

Dans la maintenant fameuse étude d’Harvard sur les conditions d’une vie réussie (la plus grande étude de ce type au long cours, sur plus de 75 ans avec 724 personnes), il a été clairement mis en évidence que le facteur principal d’une vie heureuse et en bonne santé est “la qualité des relations avec son entourage”. Cette étude démontre, si besoin en était que nous sommes des êtres sociaux et que nous avons donc besoin d’échanges avec d’autres humains, et ce, régulièrement et que ces échanges ont un impact sur notre bien-être. Elle précise que ce n’est pas la quantité mais plutôt la, c’est la qualité des relations qui a un impact sur notre état intérieur. 

Mais surtout, l’étude démontre qu’il y a une correspondance entre solitude et santé. Les personnes vivant seules ont une santé qui décline plus rapidement, des capacités cognitives qui s’altèrent plus vite et une vie souvent plus courte que celles qui vivent en collectivité.

Enfin, en réunissant les informations dont les chercheurs disposaient aux 50 ans de leurs “patients”, ils ont voulu apprécier leur capacité à prédire l’avenir de ces 724 personnes. Figurez-vous que le facteur qui permet le mieux de prévoir l’état de santé futur est “la qualité de ses relations à 50 ans”.

Autant dire que nous intéresser au “lien”, aux relations que nous entretenons est absolument fondamental ! Nous regarderons un peu plus loin ce qui contribue à un lien de qualité.

Les univers dans lesquels la nécessité du lien a été prouvée peuvent être largement évoqués, en particulier dans le monde de la santé.  Mais c’est sur le monde de la formation et de la pédagogie que je voudrais m’arrêter un instant.

Les spécialistes de la motivation ont étudié les facteurs qui concouraient à l’investissement et à la persévérance dans l’effort. Decy et Ryan, dans leurs travaux sur la théorie de l’autodétermination ont mis en évidence 3 facteurs qui doivent être réunis pour alimenter l’investissement dans l’apprentissage :

  • Le besoin d’autonomie,
  • Le besoin de compétence
  • Le besoin de relations sociales : apprendre ensemble, échanger de l’attention et faire partie d’une communauté.

Ainsi, si les relations humaines nous sont nécessaires et agissent sur notre bien-être, nous constatons aussi qu’elles impactent d’autres pans de nos activités et notamment nos apprentissages.
Voici un argument de plus qui explique pourquoi les formations en présentiel sont préférées aux formations à distance, lorsque les conditions d’organisation le permettent.

Au fond, le besoin de lien répond à notre besoin d’humanité ressentie, partagée et renouvelée qui nous permet de jouer notre rôle d’acteur social dans la société des hommes et des femmes.
Dans un récent article de l’hebdomadaire “Le 1” le psychiatre et psychanalyste Serge Hefez nous émeut à propos de la relation avec sa Mère mourante, en qualifiant le lien de “notre premier oxygène”. Il nous rappelle ainsi le besoin d’apaisement qui se fait jour au moment le plus douloureux de notre existence : le départ d’un proche.
Il nous confie ainsi que cet apaisement mutuel (de celui qui part, mais aussi pour celui qui reste) est alimenté (oxygène !) par quelques dernières paroles, derniers regards, dernières caresses échangées et qui restent gravées en nous.

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2. Comment décrire un lien de qualité ? Que met-il en jeu ?

Dans le dictionnaire, le mot lien est ainsi défini, au sens figuré : “ce qui relie, ce qui unit”.
À ce stade, on doit préciser que le lien n’existe pas sans construction, sans élaboration et sans temporalité. Il en va du lien comme une danse qui nécessite de la proximité puis de la distance, de la lenteur puis de la rapidité, du contact…

Deux personnes se croisant dans la rue ou dans le hall de leur immeuble ne partagent pas de lien. On parlera éventuellement d’un contact mais pas encore de lien.
Comme la bâtisse est édifiée avec des fondations puis ensuite les murs puis la charpente et le toit, le lien va se tisser à la faveur d’un ensemble d’ingrédients.
Les circonstances vont en constituer le creuset puis la magie de la communication va (ou pas) entrer en action.
Des attitudes seront nécessaires : l’ouverture, le regard, le sourire … Des comportements vont l’alimenter : l’écoute, la compréhension, l’attention, l’empathie … Et la magie de l’échange (ou pas !) alimentera alors cette situation, à mesure que les émotions entreront en scène.

 Mais on assiste là qu’à la naissance du lien. Il va devoir ensuite être entretenu pour se développer et prendre de l’ampleur.
Evidemment, dans ce tableau des ingrédients du lien, il manque à ce stade notre instrument principal : notre corps. En effet, c’est lui qui se met en route pour communiquer, c’est lui qui abrite nos émotions, et c’est de lui que partent nos intentions et nos actions.

 Nous savons grâce aux chanteurs en particulier (surtout dans le monde lyrique) que la voix en traversant nos cordes vocales transmet des vibrations qui se déploient dans tout notre corps. Cette dimension vibratoire de la communication est sans aucun doute un facteur essentiel de la création du lien puisqu’elle est un partage de vibrations qui sont ressenties par les différents protagonistes. Cette vibration va engendrer une palette d’émotions, cette fameuse dimension sensible de notre être.
Mais nous pouvons aller plus loin ! Et nous toucher ! Et ainsi créer de la relation (qui pourra devenir lien) par le contact physique. Les chercheurs en psychologie sociale ont démontré le rôle important du toucher dans les relations interpersonnelles : celui-ci peut jouer un rôle important pour attirer la sympathie ou développer la confiance.

Ainsi, l’article du magazine “Sciences Humaines” nous dévoile un des 100 expériences réalisées pour alimenter un ouvrage sur la psychologie de la séduction. Ainsi, dans le cadre d’une tentative de séduction (pour l’exercice entre un homme et une femme), il a été démontré que les chances d’obtenir un numéro de téléphone étaient doublées lorsque l’homme touchait le bras de la femme croisée (de 10% à 20%). De la même manière, une invitation à danser est couronnée de plus de succès (65% contre 43%) si le bras de la future partenaire est touché.
Notons tout de même que selon les cultures, l’impact du contact physique peut être différent.

Ainsi, autour d’une communication interactive, appuyée sur des attitudes facilitantes impliquant les émotions, le lien peut voir le jour et s’épanouir…

3. Comment entretenir et enrichir le lien entre nous ?

À ce stade, pour reconnaissons que pour entretenir le lien, nous devons en avoir envie ! Rien ne peut être fait sans envie.
Je voudrais donc partager quelques convictions et un peu d’expérience sur ce sujet.

Conviction 1

Notre besoin de lien est solidement installé au fond de chacun d’entre nous. Il peut fluctuer, il peut sembler disparaître, il est toujours là !

Il n’y a qu’à entendre le désarroi des étudiants à l’annonce du couvre-feu le 14 octobre dernier. Pour beaucoup, la vie sociale s’entretient principalement le soir, dans des cafés.

Conviction 2

Elle résulte d’une contradiction que nous pouvons habilement (ou pas) cultiver. Nous avons besoin que les autres s’intéressent à nous, mais ne sommes pas toujours prêts à nous intéresser aux autres (parfois pour de bonnes raisons, bien sûr). Mais quand même ! Pas de lien sans un effort minimum d’ouverture à l’autre !

Et c’est la magie de la rencontre et de l’échange.

Pierre Claverie (Ancien Evêque d’Oran), nous rappelle que “le dialogue n’est possible que si j’accepte que tu es porteur d’une vérité qui m’échappe”. 

L’écoute est la clé universelle de la communication. Mettre notre ego, nos pensées, nos représentations de côté pendant un moment, c’est la façon la plus efficace de montrer notre ouverture et notre disponibilité. Offrir notre temps, pleinement. Cette démarche appelle une volonté, une attention qui pourra sans doute révéler un trésor : ce que l’autre nous dit de lui, qu’il ne dit à personne d’autre et qu’il a réservé à notre attention bienveillante.

Celui qui vit l’expérience d’être écouté fait l’expérience d’être aimé.

Conviction 3

Cette logique du “lien” nous révèle une autre évidence : celle de la réalité du vivant, ce système riche, animé en perpétuel changement. Ce vivant est en chacun d’entre nous, c’est une évidence, mais il est aussi entre nous en faisant société. C’est cette construction qui est mise à mal en ce moment.

Une part de ce vivant est naturelle, l’autre appelle l’élaboration, la coopération.

Si nous pouvons faire la démonstration de la réalité du lien et de sa place dans le monde humain, c’est aussi que son absence ou sa dégradation nous révèle des manques. Dans une période qui donne progressivement la priorité aux relations factices (celles des réseaux sociaux en particulier), dans laquelle la peur se développe en même temps qu’une forme de défiance généralisée, il me semble URGENT de nous ressaisir collectivement. François Saltiel, dans son récent livre “la société du sans-contact” nous dépeint les avancées technologiques qui nous influencent et font évoluer nos comportements. Parmi les réalités observées, il y a une forme d’éloignement, de déshumanisation à l’œuvre. Il nous rappelle comment 3500 salariés d’Uber ont été licenciés “par visio-conférence”…

Pour nous RE-LIER et ainsi réapprendre que l’essentiel est bien là, entre nos mains et nos oreilles et pas derrière l’écran, fut-il éblouissant, nous sommes appelés à un “sursaut” d’humanité retrouvée en réinvestissant les fondamentaux des relations humaines.

Être une chance pour chacun, afin que chacun puisse être une chance pour l’autre.

Christophe Quesne – Directeur de Quilotoa

quilotoagroup.com

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