Concepteur-formateurs, que nous soyons consultants externe ou formateurs interne, le confinement nous a mis, pour beaucoup d’entre nous, au défi de transformer au pied levé nos modules de formation dans une version 100% distanciel. En effet cette transposition ne consiste pas, loin s’en faut, à un simple copier collé.
Consultante formatrice en communication orale, en gestion des émotions et particulièrement en formation de formateurs depuis près de 20 ans, j’avais jusque-là toujours animé en présentiel, modalité si favorable pour s’appuyer sur sa présence, sur la qualité relationnelle et sur l’énergie du groupe.
Lorsqu’il a fallu passer au distanciel, j’ai eu la sensation que fondaient comme neige au soleil mes principaux leviers d’efficacité et qu’il me fallait réapprendre mon métier. Je vous partage ici mon témoignage et les enseignements que j’en ai tiré.
1. Revisiter les objectifs pédagogiques et les valider avec le client
Impossible de parvenir exactement au même résultat à distance qu’en présentiel. A condition d’adapter les objectifs, une formation à distance peut être tout aussi efficace qu’une formation en présentiel.
Déplacement des focus
Plus de focus sur des objectifs opérationnels que relationnels, sur les savoirs que les savoir être.
Par exemple, concernant une formation de prise de parole en public le module sur l’acquisition d’une méthodologie de conception d’une intervention orale gagnera à être renforcé, celui sur présence non verbale pourra être moins approfondi.
Sujet lié à la prise de parole : Ethos pothos logos, la capacité de convaincre
Moindre niveau d’approfondissement
En revanche tout mettre en œuvre pour faire passer l’essentiel.
Et transmettre les ressources pour un approfondissement individuel en asynchrone.
Enrichissement des objectifs initiaux
En prenant en compte la situation de transmission à distance : en formation de prise de parole en public, intégrer une séquence sur les leviers de la présence et sur l’image en visioconférence par exemple.
En intégrant la gestion du contexte actuel : en formation de management, identifier des pistes pour tirer parti de cette situation inédite (apports, partages d’expérience, réflexion de groupe)
2. Reconfigurer les parcours pédagogiques
Scénarisation
Il s’agit de maintenir les apprenants en haleine tout du long. Le canevas pédagogique peut progresser à travers un projet, un défi, s’appuyer sur une métaphore. Il doit être porteur de sens pour les participants. Cette « mise en scène » des activités remplace la présence physique du formateur en présentiel.
Redécoupage temporel : des temps plus courts mais plus nombreux et espacés
On consolide ainsi les acquis plus efficacement que lors d’une formation intensive sur 2 jours. Ce nouveau découpage temporel permet d’exploiter pleinement les apports des neurosciences sur les mécanismes de la mémorisation à long terme.
Les temps en VISIO ne doivent pas dépasser 1H30 à 2H. 2H de Visio fatiguent autant qu’une séquence de 3H30 en présentiel. Aller à l’essentiel en terme d’apports. Limiter les slides : 3 slides là où il y en avait 10 en présentiel.
On ne peut « sentir le groupe et s’y adapter » de la même manière qu’en présentiel. Structure, concision et précision sont encore plus importants et exigent une grande rigueur de préparation. Un « crash test » avec des personnes de confiance avant son animation est d’une grande utilité.
Valorisation et diversification des temps asynchrones
Les temps asynchrones sont essentiels et permettent de responsabiliser les apprenants.
Ils gagnent à être « vendus » par le formateur lors d’un kick off ou d’une vidéo de présentation du parcours du genre Powtoon, ainsi que lors des temps en VISIO. Le client a également son rôle important à jouer dans la valorisation de ces temps de formation en autonomie.
Il est intéressant d’alterner des temps individuels, des temps de co-coaching en binômes et de temps en équipes pour la production d’un livrable attendu lors de la VISIO suivante.
Ces différents temps permettent d’exploiter de nouveaux leviers d’apprentissage. Ils sont propices au développement de la concentration et de la responsabilisation individuelle, au soutien entre pairs, soutien qui pourra perdurer après la formation.
On peut se permettre d’exploiter la richesse multi média pour rendre ces temps plus attractifs.
3. Choisir les bons outils digitaux, les valider avec le client et … les maîtriser parfaitement
Pourquoi
Le client a sa culture, ses habitudes, ses contraintes et certains outils peuvent être prohibés pour des raisons de sécurité.
Par ailleurs, une maîtrise imparfaite des outils risque de conduire à des pertes de temps très démobilisantes alors que le temps en VISIO est compté.
Quoi
Je préconise de retenir peu d’outils à la fois et de s’entraîner à les maitriser parfaitement.
Pour ma part, j’ai privilégié ceux qui me semblaient avoir le meilleur rapport simplicité / intérêt pédagogique des fonctionnalités / Coût.
J’ai ainsi retenu ZOOM, Klaxoon, 360 Learning, Google doc pour les documents collaboratifs, Google form pour les recueils de besoin, les quizz et les questionnaires d’évaluation en asynchrone.
Comment
Afin de m’assurer de bien les maîtriser j’ai conçu et imprimé mes propres fiches mémo à avoir toujours sous l’œil au cas où. J’ai préalablement testé leurs fonctionnalités avec des personnes de confiance en mode « bac à sable » et j’ai anticipé les bugs éventuels avec des plans B.
4. Construire une BAO d’animation spécifique au distanciel
Au-delà des outils digitaux, il s’agit également de revoir ses outils d’animation afin de maintenir une qualité relationnelle, une réelle cohésion entre les apprenants, du rythme, de la vie, de la « mise en corps », une vraie «mise en scène ». Les outils qui fonctionnent en présentiel ne fonctionnent pas toujours à distance. Il s’agit donc de reconstituer quasi intégralement sa boite à outils, notamment les Ice breaker, et de la tester avec des personnes de confiance.
Voici donc les enseignements que j’ai retirés de ce nouveau défi qui s’est posé à moi ; enseignement devenu maintenant, chez QUILOTOA, une nouvelle expertise que j’ai plaisir à partager. J’ai ainsi enrichi mes compétences en ingénierie pédagogique. Cette profonde « mue » me conduit aujourd’hui à ajouter un incontournable volet « 100% distanciel » dans les formations de formateurs auprès des concepteurs-formateurs que j’accompagne.